Les fractionnements isotopiques indépendants de la masse
Joël SAVARINO. Laboratoire de Glaciologie et de Géophysique de l’Environnement (Saint-Martin d’Hères)
Résumé : Les bases théoriques des fractionnements dépendant de la masse (FDM) résultant de processus d’équilibre et/ou cinétique ont été établies il y a plus de cinquante ans par Bigeleisen et Urey. Ces théories stipulent qu’à l’intérieur d’un système isotopique stable, comme O (16O, 17O, 18O) ou S (32S, 33S, 34S, 36S), les différents rapports possibles sont d’une part fortement corrélés entre eux, et d’autre part seules les masses des isotopes interviennent comme paramètre dans ces corrélations. La confirmation expérimentale de cette théorie au fil des années, à l’exception notable de certains matériaux extraterrestres, a transformé peu à peu cette théorie des FDM en paradigme de la chimie des isotopes stables. Dès lors, la primauté a été donnée à la recherche des paramètres physiques et des lois de comportement influençant un rapport isotopique quelconque. Ces travaux ont conduit à l’essor de la thermométrie isotopique (paléoclimatologie) et des « traceurs isotopiques » des processus naturels (fonctionnement biologique, cycle de l’eau, pollution, etc) ; domaines qui dominent toujours le monde de l’isotopie.
Au début des années 80, Mark Thiemens de l’Université de Californie à San Diego a ébranlé nos certitudes en découvrant que la composition isotopique de l’ozone ne respectait pas le paradigme des FDM. Ces dernières années un travail intense sur les fractionnements indépendants de la masse (FIM), tant sur le plan théorique que expérimental, a ainsi vu le jour. Ce cours séminaire se propose de décrire dans une première partie la théorie de FDM et d’en faire ressortir les limites conceptuelles. Nous aborderons dans une deuxième partie les FIM, tant sur le plan expérimental que théorique, bien que sur ce dernier point, l’incertitude demeure. En guise de conclusion, je présenterai les réussites et les espoirs que soulève la découverte des FIM.